Histoire
de la goélette Belle-Poule -
1/3.
En
1930 l'Ecole navale est " à terre " depuis
1914, année qui vit la condamnation du
dernier vaisseau à bord duquel elle
était traditionnellement embarquée :
Le Borda.
Il n'y a plus de navire à voile dans la
Marine nationale, on ne croit plus aux vertus de ce
mode de propulsion, la modernité est
là. Les midships(1) font leur
apprentissage sur des bâtiments à
propulsion mécanique.
Certains le regrettent et pensent que la voile doit
être considérée comme la seule
méthode efficace pour former correctement un
officier, lui faire acquérir du sens
marin.
En effet, le voilier, dépendant plus
directement des éléments, met souvent
ceux qui le dirigent dans des situations
d'où ils ne peuvent se tirer sans
l'habilité manuvrière et le
coup d'il qui forment le " sens marin "
indispensable à tous ceux qui se destinent
à commander à la mer. Une
polémique naît au sein de la Marine au
terme de laquelle on s'accorde à
reconnaître que la pratique de la voile,
même réduite à un temps assez
court, affermira les qualités du marin.
Le principe d'un voilier école étant
acquis, il restait à définir ce que
sera ce nouveau navire. On ne prévoit pas de
long séjours à bord pour les
élèves officiers , seule une partie
de la promotion doit pouvoir être
embarquée pour de courtes croisières
aux alentours de Brest. Il ne faut pas un bateau
trop grand, mais il doit rester très marin,
souple d'emploi, apte à supporter les coups
de vent qu'il ne manquera pas de rencontrer pendant
l'hiver en Iroise, capable de louvoyer dans le
goulet de Brest et de trouver refuge le cas
échéant dans les mouillages et les
ports bretons.
Les
élèves y effectueront de cours
séjours, mais à plusieurs reprises,
et devront rapidement pouvoir y prendre des
responsabilités.
Le choix est fait en 1931. Il y aura deux bateaux
relativement modestes et la goélette
"islandaise" semble répondre parfaitement au
besoin.
C'est le Chantier naval de Normandie, à
Fécamp, expert dans la construction des
goélettes de pêche, qui construira ces
voiliers. Les noms des navires sont choisis. l'un
s'appellera Belle-Poule et l'autre Etoile
(ci-contre, le plan de voilure initial, avec double
hunier).
La construction
La construction sera suivie pour la Marine par
le lieutenant de vaisseau Richard, commandant
désigné de la Belle-Poule. Cet
officier aura pour interlocuteurs MM. Chantelot et
Lemaistre qui dirigent le chantier de
Fécamp. Tous trois ont un caractère
assez fort.
Les caractéristiques sont
arrêtées comme suit :
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- Ces seront des
goélettes à double hunier,
sur le modèle des goélettes
d'Islande, mais qui devront avoir un peu
plus d'élégance dans la
forme ;
- Le déplacement sera de 215
tonnes, la longueur de 37,50 m. hors tout
et de 25,30 M. entre perpendiculaires , la
largeur au maître-bau(2)
de 7,20 m., le tirant d'eau de 3,50 m , le
tirant d'air de 30 mètres ;
- La surface de voilure sera de 425
mètres carrés ;
- La coque sera construite en chêne
et à double coque, le chevillage
sera en cuivre et un doublage en cuivre
recouvrira les uvres vives ;
- Le pont et la mâture seront en pin
d'Oregon ;
- Les emménagements seront
spartiates et conçus pour 30
élèves officiers, 5
officiers-mariniers, 12
quartiers-maîtres et marins et trois
officiers, commandant compris ;
- Un moteur permettra de réaliser
en charge normale une vitesse de 6
nuds ; Il n'y aura qu'une seule
ligne d'arbre avec hélice en bronze
à deux pales pouvant être
immobilisée dans le plan
longitudinal pour ne pas diminuer les
qualités manuvrières
du bâtiment.
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La
Belle Poule est mise en chantier fin juillet 1931.
La construction dure 6 mois au cours desquels le
lieutenant de vaisseau Richard et M. Lemaistre
auront maintes fois des discussions
passionnées. Ce dernier connaît son
affaire, il a construit de nombreuses
goélettes et accepte assez mal les remarques
de Richard. C'est probablement au cours de l'une de
ces joutes verbales que le double hunier,
initialement prévu, va disparaître
pour laisser la place à un hunier simple
à rouleau bien plus pratique et typique des
goélettes construites par le chantier.
Le lancement de la Belle-Poule
Le lundi 8 février 1932, la Belle Poule est
lancée. Le Journal de Fécamp rapporte
: " ... Ce matin vers 11h30 s'est
déroulée au milieu d'une assistance
aussi nombreuse qu'intéressée, le
lancement du navire la Belle-Poule, dont la
construction fut confiée par la Direction
centrale des constructions navales, au chantier
naval de Normandie (CNN) que dirigent si bien MM.
Chantelot et Lemaistre. De nombreuses
personnalités assistaient à la
cérémonie ... A peine la clé
qui retient le navire est-elle enlevée d'un
solide coup de marteau que la coque qui, sous le
grand hangar, paraît gigantesque se met
à glisser doucement puis à une grande
vitesse, et c'est au milieu de gerbes d'eau et
d'écume que le beau navire entre dans les
flots...".
La Belle Poule quitte Fécamp le jeudi 12
mai. Son premier voyage l'amène à
Brest, sous le commandement du lieutenant de
vaisseau Richard.
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