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Coup
de chien.
Nous sommes au large de côtes
bretonnes, à quelques dizaines de milles
dans le nord-ouest de l'Aber Wrac'h ; la mer se
creuse et le vent force
régulièrement.
Le clin foc réservé au petit temps a
déjà été amené
et l'équipe de quart fini d'affaler
l'étai.
Deux gabiers sont partis dans les
enfléchures pour le ferler. Ils atteignent
vite le chouque de misaine là où le
mât du hune commence.
Le chef du quart a désigné les plus
expérimentés de sa bordée,
Jérôme, mon maître d'hôtel
et Sébastien, car la mer commence à
se faire sentir et le roulis ne rend pas la
manuvre aisée à 22
mètres au dessus du pont.
Deux autres, déjà munis de leur
harnais de sécurité enjambent le
bastingage et montent vers le chouque de grand
mât pour en faire autant avec le
flèche.
Sur le pont, le bosco de la bordée, dirige
son équipe et prépare la prise de
tours dans la grand voile ; le vent force
rapidement.
La météo prise il y a quelques heures
n'annonçait pas ce changement de temps.
Seule l'observation du ciel bleu, trop limpide
à mon sens, avait commencé à
me donner l'éveil.
Le vent est monté à force 5,
peut-être 6 ou 7 par moments. La voilure a
été réduite : trois tours dans
la grand voile, deux dans la misaine "pour
équilibrer", le hunier à
"mi-bâton", trinquette, petit et grand
foc.
La Belle-Poule est prête.
Dans le poste milieu, les hamacs de la
bordée des élèves au repos se
balancent au rythme du tangage, berçant leur
sommeil.
La goélette avance sans brutalité
à près de 7 nuds, presque sans
remuer d'eau. Le sillage blanc est lisse et ses 280
tonnes compensent presque la gîte.
De temps en temps une série de vagues plus
hautes se profilent ; l'étrave se
lève à la lame, l'une d'entre elles
déferle sur le pont.
C'est au barreur de jouer, Fabrice notre
Calédonien, Momo pour l'équipage ; A
lui de prévoir et de soulager le bateau,
à lui de lofer un peu plus pour "effacer" la
vague.
La goélette est docile et répond
parfaitement mais la barre demande de l'attention.
Un coup d'il au guindant de hunier qui frise,
un coup d'il à la grand-voile, il faut
abattre un peu, on est trop près du vent, un
autre au compas,
Les milles s'alignent sur la carte.
La côte s'approche rapidement. Il faut virer
de bord. Avec ce temps un manque à virer est
toujours possible. "Qu'un second vint à
manquer"
disaient les anciens, et nous
serions à la côte ; c'est ainsi que se
sont abîmées de nombreuses
goélettes au retour d'Islande.
"Pare à virer vent devant!"
La plage avant s'anime ; on s'affaire aux
écoutes, "Paré!" annonce le
bosco.
Fabrice met la barre à gauche,
l'étrave remonte dans le vent, "File les
focs!".
Les focs sont filés mais la trinquette est
conservée à contre pour assurer le
virement. Maintenu également à
contre, le hunier aide au virement qui n'est pas
encore sûr de réussir.
La grand voile et la misaine sont bordées ;
cinq personnes halent sur l'écoute de grand
voile.
"Focs dessous!" Le lit du vent semble
être passé, la Belle Poule abat
lentement, sans vitesse d'abord, puis prend un peu
d'erre en arrière sous l'effet du
hunier.
"Rencontre !" pour tenir compte de ce nouvel
élément !
L'écoute de grand-voile est choquée,
le hunier est "changé".
C'est gagné ! Avec ses voiles bien
réglées la Belle Poule reprend peu
à peu de la vitesse et serre au mieux le
vent, légèrement ardente. Le
près n'est pas l'allure
privilégiée, la dérive est
important et l'on tire des bord à plus de
120° du vent.
Bientôt nous pourrons abattre et nous laisser
porter vers notre destination : l'Aber Wrac'h.
Le second sera heureux, nous mouillerons à
deux encablures de sa maison. Peut-être me
demandera-t-il l'autorisation d'aller à
terre passer la soirée
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En
escale.
Les cuivres
Nous sommes arrivés avec de l'avance
à Penzance, ce joli petit port de
Cornouailles. Le vent est encore fort et j'ai
décidé d'aller à terre
repérer la manuvre. Une passe
étroite entre deux portes débouchant
sur un petit bassin ou les voiliers invités
à ce rassemblement sont déjà
en nombre.
La température en cette fin
d'après-midi est fraîche ; " On
supporte son cache-nez !
" m'assure
Yves, le médecin réserviste peut
habitué à ce rude climat puisque
résidant à Nice, en enfonçant
les mains dans ses poches, "
et si on se
frottait un petit cuivre ou deux pour se
réchauffer ? ".
Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd
; Boss passait par là ! Bientôt tout
le monde se retrouve avec son chiffon et son "
brillant belge " : la Belle Poule se fait superbe,
comme à son habitude, pour son entrée
au port.
Il y a des mauvaises langues qui affirment que la
consommation du brillant belge utilisé est
plus importante que celle de gazole pour le moteur
!
Briquer le pont.
Sur la plage avant quatre réservistes pieds
nus briquent le pont, sans brique comme autrefois,
mais au ballet brosse et au détergent. Le
plus ancien est un Chirurgien dentiste, un "cinq
pleins", un réserviste qui vient
régulièrement servir à bord de
la Belle-Poule en qualité de "matelot de
pont".
L'équipage en bordée : le
Guennec.
La virée à terre commence. Ils vont,
Guennec en poche (le sou breton), à pieds ou
en taxi. Quatre jours d'escale ne suffiront pas
à découvrir les trésors de la
région. "T'as pas quelques Guennecs en
trop?", "Ici, tu as combien de Guennecs pour cents
Francs?" Le Guennec, c'est le nom
attribué, par le marin en escale, à
toute monnaie étrangère, une
espèce de terme espéranto au service
de la Marine. Il n'y a plus ni Kopeck, ni Peso.
Pesetas, Livres ou Drachmes n'ont plus court.
LeRial, le Zloty, lePenny ont fondu ... Seul reste
le Guennec, il est monnaie étalon. Mais le
Guennec lui-même a un surnom : "Tu n'aurais
pas quelques "Merdiers" de reste pour me
dépanner?"
De ces sorties à terre pleines de rencontres
et d'imprévus, chacun rapportera
informations, impressions, découvertes,
comparaisons à partager avec tout
l'équipage. ....
Retour d'escale, l'appareillage
Les quatre jours d'escale ont passé aussi
vite et denses qu'un grain orageux. Le beau pays de
Cornouailles s'éloigne. Chacun emporte
quelques cadeaux à offrir ; le marchand de
soupe a fait son plein de légumes, de fruits
et d'eau douce. Il ne reste plus qu'à faire
route ; à droite en sortant et tout droit
jusqu'à l'Aber Wrac'h, terre natale de bon
nombre de nos marins.
"Du monde à la grand-voile! Boss.... t'as
quelqu'un au guide corne? A toi le lève nez.
O...! Assure les balancines ? Allez rapidement les
gars! Oh! oh! Paré à amurer le
hunier! Tiens bon l'étai!" ...
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